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CHRONIQUE D’UN SPECTACLE EN CONSTRUCTION
Numéro 3 - 30 septembre 2008


Nous y sommes presque. Dans une dizaine de jours, ce sera la première d’Alice et toutes nos heures sont consacrées aux ultimes préparatifs. Nous tenions cependant à trouver le temps de vous donner jusqu’au bout des nouvelles avant même la création.
Voici la chose faite avec cette troisième et dernière chronique. Elle ne compte qu’une section, sous la forme d’un synopsis du spectacle illustré par les photos de toutes les marionnettes, dont certaines (celle d’Alice, par exemple) attendent encore leur costume définitif. Il manque dans ces visuels un élément qui nous tient beaucoup à cœur, les photos des deux comédiens eux-mêmes : le spectacle ne compte pas que des scènes purement marionnettiques et les deux personnages interprétés par Vanessa Defasque et Michel Klein y tiennent une place essentielle… Mais le temps nous est compté, comme vous vous en doutez, et les marionnettes se prêtent mieux à une séance photo légère. Nous nous attellerons dès la mi-octobre à la réalisation des photos du spectacle achevé.
Le synopsis qui suit sera un des éléments centraux d’un dossier pédagogique en cours de réalisation, dans lequel nous indiquerons en détail les passages de l’œuvre de Lewis Carroll dont s’inspire chacune des scènes de notre très libre adaptation.

Que ce soit ici l’occasion de remercier le TJP Strasbourg – CDN d’Alsace qui a accueilli l’intégralité des répétitions, le Cratère d’Alès, la Grande Ourse de Villeneuve-les-Maguelone, la Passerelle de Rixheim, le Centre culturel Pablo Picasso d’Homécourt  qui en ont soutenu la production. Nous pensons ne pas décevoir  leur confiance : les répétitions se sont déroulées dans le plus grand bonheur et la plus belle inventivité ; en un mot, nous sommes là où nous espérions être. Un spectacle n’est abouti, dit-on — et nous le pensons —, qu’après avoir vécu la rencontre avec le public durant un certain nombre de représentations, mais nous n’en espérons pas moins avoir le plaisir de vous voir dès ce mois d’octobre à Strasbourg !

SYNOPSIS

1. Hôtel des Rêves
Dans le hall de l’Hôtel des Rêves, Charles, le réceptionniste, joue une partie d’échecs en solitaire. Une jeune femme, Alice, entre, à la recherche d’une chambre pour la nuit. Charles s’enquiert du type de rêve — et donc de chambre — souhaité. Or Alice ne rêve plus depuis son tout jeune âge, et ne sait que lui répondre. Cela suffit à l’information du réceptionniste, qui lui confie la clé d’une chambre « avec vue sur l’enfance ». Une fois Alice sortie, deux pièces d’échecs géantes, le Roi et la Reine rouges, apparaissent et entament avec Charles un dialogue où il est question de préparer pour la jeune femme une nuit dont elle se souviendra jusqu’à la fin de ses jours.


2. Rencontre avec la Reine Rouge
Alice, vêtue d’un pyjama, surgit dans le hall de l’hôtel. Elle se plaint de ce que sa chambre est envahie de chauves-souris et réclame le réceptionniste. Mais Charles n’est plus là. Sur le comptoir trônent le Roi et la Reine rouges. À la stupéfaction d’Alice, le Roi ouvre les yeux et s’anime. « Moins fort ! » ordonne-t-il, avant de se rendormir. Alice n’est pas au bout de ses frayeurs, puisque la Reine Rouge la prend à partie à son tour. Excédée, pensant être victime d’une farce de mauvais goût, Alice s’apprête à retourner dans sa chambre, faire ses affaires et quitter l’Hôtel des Rêves, quand Charles apparaît, une petite fille-marionnette au bout des mains. Il la tend sans un mot à la jeune femme qui, subodorant qu’elle est en train de rêver, s’en empare. S’ensuit un dialogue de la petite Alice, manipulée par la jeune femme, avec la Reine Rouge. Celle-ci décrit à la fillette la partie d’échecs qui l’attend : Alice, dit-elle, est un pion blanc, et il va s‘agir pour elle d’accéder à la huitième et dernière case de l’échiquier, où elle deviendra reine. La Reine Rouge décrit quelques-unes des rencontres qui émailleront le trajet d’Alice jusqu’à la dernière case, puis lui enjoint de sauter dans un train en partance. Bruits de locomotive, de jets de vapeur…

3. Dans le train
On retrouve la petite Alice assise sur une banquette auprès d’un Bouc vêtu d’une élégante houppelande. Après quelques prises de contact infructueuses où il s’adresse à Alice successivement en allemand, italien et anglais, le Bouc parvient à se faire comprendre et demande à Alice sa destination. Celle-ci dit l’ignorer, au grand étonnement du Bouc. Le Contrôleur apparaît et réclame à Alice son titre de transport. La petite fille n’en ayant pas, le Contrôleur veut lui infliger une très forte amende mais il constate qu’Alice n’est pas en mesure de la payer. Aussi décide-t-il de la mettre dans un colis postal et de la renvoyer là d’où elle vient.


4. Zygoti et Zygoto
Un énorme colis postal est posé au centre du plateau. Une adresse y est inscrite : « Alice, Hôtel des Rêves ». Deux petites marionnettes bondissantes montées sur ressorts apparaissent : il s’agit de Zygoti et Zygoto, les jumeaux monozygotes. Remplis de curiosité, les deux petits personnages s’interrogent sur le contenu de cet intrigant colis. Un bras de jeune femme en surgit et les happe à l’intérieur.


5. Le rêve du Roi Rouge
Alice — redevenue jeune femme — s’extirpe de la grande caisse dans laquelle l’avait enfermée (sous sa forme marionnette-petite fille) le Contrôleur. Charles la félicite : elle est déjà parvenue, lui annonce-t-il, à la cinquième case. Alice déclare beaucoup apprécier le rêve qu’elle est en train de faire et les créatures étranges qui le traverse. Charles la corrige : il ne s’agit pas de son rêve, mais de celui du Roi Rouge, toujours posé sur le comptoir, ce que confirme le monarque. Alice est horrifiée : que lui arrivera-t-il quand le Roi se réveillera ? « Est-ce que je sais ? » remarque celui-ci avec dédain, et il ajoute : «  qu’arrive-t-il à la flamme d’une bougie quand on l’éteint ? », réflexion qui plonge la jeune femme dans une sorte d’accablement métaphysique dont la sort Charles en lui tendant sa marionnette de petite fille. Avec un sourire fataliste, Alice s’empare de sa marionnette, qui s’envole aussitôt et exécute une chorégraphie aérienne au cours de laquelle elle est amenée à croiser un étrange Lapin blanc.

6. La Chenille
La petite Alice vient se poser au terme de son ballet aérien près d’une Chenille fumeuse de narghilé. La Chenille tente de convaincre Alice que la vie n’est qu’un éternel recommencement des mêmes faits et gestes. Alice s’oppose radicalement à cette idée, mais elle est obligée de constater que la conversation avec la Chenille prend bel et bien la forme d’un dialogue en boucles, répétitif et lassant. Pour échapper à cette prison de mots, elle reprend son envol et s’éloigne à vive allure de la Chenille qui continue à répéter inlassablement : « Qui es-tu ? Qui es-tu ?… ».


7. Histoire d’œuf
La petite fille fait la rencontre d’une nouvelle créature tout aussi étrange que les précédentes, un gros œuf au caractère lunatique, passant sans transition du fou rire à la rage. Alice ayant commis l’imprudence de déclarer qu’elle aime beaucoup les œufs au plat ou à la coque, l’Œuf menace de la cuisiner en omelette, à la mayonnaise, en meurette… Alice s’enfuit à nouveau, tandis que l’Œuf, secoué d’un fou rire ravageur à sa propre évocation de recettes gastronomiques à base de petite fille, s’écrase au sol.


8. Un thé de fous
C’est au tour de trois des plus célèbres comparses du Pays des Merveilles de croiser la route d’Alice, autour d’une table chargée de tasses de thé. Où il est question d’un Loir qui parle à l’envers, d’un Lapin qui graisse les rouages d’une montre avec du beurre, et d’un Chapelier qui se lamente de la punition infligée à eux par le Temps, définitivement figé à cinq heures (five o’clock) — ceci expliquant l’amoncellement de tasses et la partie de thé éternellement recommencée...


9. Le Lion et la Licorne
Alice ayant repris sa route, elle s’interroge sur cette idée du Temps arrêté, en en soupesant les avantages (« ne jamais devenir une vieille dame ! ») et les inconvénients (« aller à l’école toute ma vie ! »), quand Charles surgit, une télécommande à la main : c’est l’heure du grand combat de boxe entre le Lion et la Licorne. Il actionne sa télécommande, et l’on voit apparaître sur un grand écran le Lion et la Licorne, armés de gants de boxe, et combattant dans la plus pure tradition du « Noble Art » (séquence vidéo). La sonnerie de fin de round retentit, et chaque combattant rejoint son coin. Tout à coup, gros plan sur la Licorne arborant une mine stupéfaite : elle vient d’apercevoir, hors écran, la petite Alice. La Licorne sort à droite de l’écran… et apparaît « en chair et en os » sur le comptoir où est assise la fillette. Face à face, la Licorne et Alice s’offusquent d’être considérée l’une par l’autre comme un « monstre de légende », mais très vite elles entament une conversation amicale, bientôt interrompue par le Lion, réapparaissant à l’écran (filmé en gros plan) et accusant la Licorne d’abandon de combat et de lâcheté. Vexée, la Licorne délaisse Alice, bondit… et surgit à nouveau dans l’écran, où elle se lance dans un furieux corps à corps avec le Lion. Soudain, l’image se brouille et la retransmission s’interrompt.


10. Lapin et Chat
On retrouve Alice jeune femme, pensive, assise sur le comptoir. Elle s’apprête à retourner dans sa chambre, quand apparaît à nouveau le Lapin Blanc. Le Lapin a du mal à croire la jeune femme quand celle-ci lui dit être Alice. Pour lui, Alice ne peut être que la petite fille venue s’asseoir quelques instants plus tôt à la table du Thé de Fous. Comment vingt années auraient-elles pu passer si vite ? Il se lance dans une entreprise de séduction de la jeune femme. Loin de se laisser faire, celle-ci, mi-amusée, mi-irritée, menace de le cuisiner « à la moutarde ». Pris de panique, le Lapin s’enfuit…

… et laisse place à un chat au sourire étrange. Chester — c’est son nom — prétend qu’il est capable d’exaucer tous les désirs d’Alice. Quelque peu sceptique, celle-ci lui demande d’arrêter le Temps. Le Chat fait un signe, et tout devient immobile sur le plateau brutalement envahi par une lumière d’outre-tombe. Alice reste pétrifiée un long moment, puis se débat et parvient à mettre fin au « sortilège ». Sur ces entrefaites on entend la voix de la Reine Rouge réclamant qu’on coupe la tête de Chester. Le Chat s’enfuit en abandonnant sa propre tête dans les mains d’Alice stupéfaite.


11. L’examen royal
La Reine Rouge entre, furieuse. Alice cache précipitamment la tête de Chester — toujours souriant — derrière son dos. La Reine en veut à Chester d’avoir arrêté le Temps alors qu’elle était sous son casque de coiffure, ce qui explique sa chevelure grotesquement hérissée. Charles intervient et réussit à détourner la conversation en faisant valoir à la Reine Rouge qu’Alice est parvenue au terme de la partie, sur la huitième et dernière case. La Reine reconnaît que l’examen d’accession d’Alice au statut de reine peut commencer. Alice jeune femme s’empare à nouveau de sa marionnette petite fille et la Reine Blanche fait son entrée. La fillette est soumise à un feu roulant de questions incongrues de la part des deux Reines (« qu’est-ce qu’un hippopodile ? », par exemple) et se révèle incapable de répondre à aucune d’entre elles. Accablée par son échec, Alice se voit, à sa grande surprise, réconfortée et félicitée par les deux reines : dans l’étrange pays où elle se trouve, en ne résolvant aucune des questions, elle y a en fait répondu de la meilleure manière, et la voici reine, ce que confirme une magnifique couronne venant se poser sur sa tête. La Reine Blanche emmène Alice à la visite de son royaume et la scène se conclut avec la Reine Rouge demandant à Charles ce qu’il pense de « sa nouvelle coiffure ».


12. Épilogue
Alice jeune femme sort de sa chambre, vêtue de son manteau et valise à la main. À Charles qui lui demande si elle a passé une bonne nuit, elle déclare, souriante, qu’elle a — enfin — pu rêver, et qu’elle « s’en souvient ! ». Au moment où elle s’apprête à sortir, Charles la rappelle : il a un cadeau à lui faire. Il va chercher un objet derrière le comptoir. C’est une couronne, la même que celle de la petite Alice, mais à taille humaine. Alice l’accepte avec émotion, dépose un baiser sur la joue de Charles et sort. Resté seul, Charles éteint les lumières du hall de l’hôtel, jusqu’à ce qu’il ne soit plus éclairé que par la lumière d’une bougie qui n’avait cessé de brûler durant tout le spectacle. Sur l’échiquier posé sur le comptoir, il aperçoit la petite Alice endormie aux côtés de deux pièces d’échecs renversées, celles de la reine rouge et de la reine blanche. Il se penche sur l’échiquier. « Bonne nuit, Alice », murmure-t-il — et il éteint la bougie.



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