GAZETTE PINOCCHIO
Numéro 2 - Mai 2005


Chers jeunes (et moins jeunes !) amis,
Voici le deuxième numéro de notre “gazette internet”, dans lequel nous vous donnons des nouvelles fraîches de la réalisation en cours de notre Pinocchio. Actuellement, Michel tourne beaucoup dans un autre de nos spectacles, « Un Roman de Renart », et pourtant, comme vous le verrez, il trouve le temps d’avancer dans la construction de nouvelles marionnettes...

Au sommaire de ce numéro :
- la présentation de Geppetto, le « papa » de Pinocchio, beaucoup plus proche de sa réalisation finale que les latex que vous aviez pu découvrir dans le premier numéro ;
- et surtout des nouvelles de notre premier « labo », illustrées par quelques photos : vous découvrirez nos deux comédiens-marionnettistes ainsi que – en avant-première ! – une scène écrite à l’occasion de ce labo.


GEPPETTO


... Et voici notre Geppetto presque achevé. Le latex du visage est peint, le corps est construit, il ne lui manque plus que son costume définitif (la costumière, Françoise, ne nous rejoindra qu’en juin). Comme vous pouvez le voir sur la photo de droite, il est très expressif, puisqu’en plus de la bouche qui s’ouvre, Michel lui a fabriqué des arcades sourcilières pouvant se soulever !


LABO PINOCCHIO

A Flash Marionnettes, nous appelons “labos” des brèves périodes de deux ou trois jours de travail en commun, plusieurs mois avant les répétitions. “Labo” comme “laboratoire”, et qu’est-ce qu’on fait dans un laboratoire ? Des expériences. C’est ainsi que durant ces deux ou trois jours on expérimente, on cherche, on teste des premières adaptations de scènes, l’enjeu étant de parvenir aux répétitions, fin juillet, avec des marionnettes et un texte à peu près définitifs...
Nous avons donc tenu notre premier labo en fin avril au Foyer du TJP à Strasbourg. Il y avait là Michel (qui sur la photo joue Mangefeu, le personnage masqué), Stéphanie (qui manipule Pinocchio), Ismaïl le metteur en scène et auteur de l’adaptation, et Mehdi Ameur, le régisseur (explication de ce terme dans la précédente gazette).
L’enjeu de ce labo était de tester deux scènes écrites par Ismaïl. La première est tirée du chapitre 10 du livre de Collodi, intitulé « Les marionnettes reconnaissent en Pinocchio l’une des leurs et lui font fête. Au moment où l’allégresse est à son comble survient Mangefeu, le marionnettiste. Pinocchio est promis à une triste fin ».


Comme vous pouvez le voir sur la photo, le personnage de Mangefeu est une “semi-marionnette”, puisque la tête (recouverte d’un masque) et les bras sont ceux du marionnettiste lui-même, alors que le corps, d’environ 1 mètre de taille, est celui d’une grande marionnette. À noter que ce corps est provisoire, puisqu’il a été construit et costumé pour un des nos précédents spectacles, « La Cour de tous les Miracles ». Le corps définitif de Mangefeu sera construit sur le même principe, mais avec un costume plus adapté au personnage. À noter aussi que, grâce à un savant système d’éclairage, Stéphanie (qui manipule Pinocchio) sera dans l’ombre et donc beaucoup moins visible que sur la photo afin de privilégier les quatre héros de la scène : les deux marionnettes à fil, Pinocchio et Mangefeu.


PINOCCHIO ET LA FÉE BLEUE

La seconde scène que nous avons testée lors de notre labo est tirée des chapitres 16 et 17. Elle se situe après que Pinocchio a été pendu à un arbre par deux brigands. Une fillette “aux cheveux bleu-nuit” le fait délivrer, et il se retrouve alité, plus mort que vif, dans la maison de celle-ci (qui se révèlera par la suite n’être autre qu’une fée).
Un des enjeux de notre labo était de tester deux solutions très différentes pour la personnification de la fée bleue, selon qu’elle apparaisse sous les traits d’une marionnettes ou ceux de la marionnettiste elle-même...


... Après nos essais, nous nous dirigerons très probablement vers une interprétation de la fée bleue par Stéphanie en personne (mais rappelons que tout reste à faire pour ce qui est du costume et de la chevelure). En effet, il s’est avéré que l’opposition marionnette - être humain était, dans cette scène, plus riche et plus étonnante que celle de deux marionnettes. À noter que, contrairement à la photo de droite où Stéphanie manipule Pinocchio, ce sera Michel qui le fera. Le personnage de Pinocchio sera donc interprété, selon les scènes, par Michel ou Stéphanie, ce qui peut paraître étrange, mais que nous avons déjà testé avec succès dans « Un Roman de Renart », où Renart était joué et manipulé à tour de rôle par les deux marionnettistes sans que le public ne s’en rende compte (et s’il s’en rendait compte, il trouvait cela d’autant plus intéressant !).
Ainsi, nous serons amenés à décliner toutes les formules possibles avec deux comédiens et plusieurs marionnettes : 1. scènes avec uniquement des marionnettes (les deux manipulateurs restant dans l’ombre) ; 2. scènes avec marionnettes et “semimarionnettes”, comme on l’a vu pour celle de Mangefeu ; 3. scènes mêlant marionnettes et comédiens, comme celle-ci avec la fée bleue (mais qui sait, peut-être dans une autre scène verra-t-on la fée sous sa forme “marionnettique ?...) ; 4. et des scènes où les deux comédiens dialogueront sans marionnettes, puisque Michel et Stéphanie interprèteront eux-mêmes des personnages de fiction : un marionnettiste d’un certain âge et sa fille, en train d’inventer un spectacle s ‘appelant... « Pinocchio » – c’est ce qu’on pourrait appeler “du théâtre dans le théâtre” ! (Nous reviendrons sur cette notion dans une de nos prochaines gazettes).
Voici maintenant le texte de cette scène telle que Michel et Stéphanie l’ont jouée lors du labo. Ce n’est encore qu’un premier jet, susceptible de nombreux changements : Ismaïl a encore deux mois pour écrire la version définitive (pas si définitive, d’ailleurs, puisque les répétitions provoqueront à n’en pas douter de nouveaux changements) :


LA GUÉRISON DE PINOCCHIO

FÉE BLEUE : Bois ça, et tu seras guéri en quelques jours.
PINOCCHIO : C’est sucré ou c’est amer ?
FÉE BLEUE : C’est amer, mais ça te fera du bien.
PINOCCHIO : Si c’est amer, j’en veux pas.
FÉE BLEUE : Quand tu auras bu, je te donnerai un bonbon pour t’enlever le goût amer.
PINOCCHIO : Je veux d’abord le bonbon. Après, je boirai votre truc amer.
FÉE BLEUE : Tu me le promets ?
PINOCCHIO : Oui, oui ! (Il avale le bonbon.) C’est bon ! Si les médicaments étaient aussi bon, je me soignerais tous les jours !
FÉE BLEUE : Maintenant, tiens ta promesse, et bois ça, si tu veux guérir.
PINOCCHIO : (il approche ses lèvres du verre, puis le repousse.) C’est trop amer ! Je peux pas le boire.
FÉE BLEUE : Comment peux-tu dire ça ? Tu ne l’as même pas goûté.
PINOCCHIO : Je l’imagine. Je le sens, rien qu’à l’odeur. Un autre bonbon, d’abord, et après j’en boirai. (La fée bleue lui redonne un bonbon. Même jeu qu’auparavant avec le verre.) Je peux pas boire ça !
FÉE BLEUE : Pourquoi ?
PINOCCHIO : Parce que je suis gêné par le coussin, là, sur mes pieds. (La fée enlève le coussin.) C’est pas la peine. Même comme ça, je peux pas le boire.
FÉE BLEUE : Qu’est-ce qui te gêne encore ?
PINOCCHIO : La porte de la chambre qui est entrouverte. (La fée bleue va fermer la porte de la chambre. Pinocchio pique une crise.) Non et non ! Je boirai pas cette eau amère, je la boirai pas, non, non et non !...
FÉE BLEUE : Pinocchio, si tu ne bois pas ton médicament, tu vas avoir de plus en plus de fièvre...
PINOCCHIO : Tant pis.
FÉE BLEUE : La fièvre t’emportera dans l’autre monde en quelques heures...
PINOCCHIO : Tant pis.
FÉE BLEUE : Tu n’as donc pas peur de la mort ?
PINOCCHIO : Je préfère mourir que de boire ce maudit médicament.
Un croquemort entre. [ Dans le texte original, ce sont pas moins de quatre croquemorts, « quatre lapins noirs comme l’encre, qui portent sur leurs épaules un petit cercueil ». Stéphanie n’ayant que deux bras, il nous sera difficile de respecter tout à fait cette image... Nous ferons donc peut-être entrer un seul grand lapin noir, ou bien une tête de squelette de lapin ou d’un autre animal... On comprend on tout cas que Pinocchio soit effrayé : un croquemort est un employé des pompes funèbres chargé du transport des morts au cimetière ! ]
PINOCCHIO : Qu’est-ce que vous me voulez ?...
CROQUEMORT : Je viens te chercher.
PINOCCHIO : Mais je ne suis pas encore mort !...
CROQUEMORT : Pas encore. Mais il ne te reste plus que quelques minutes à vivre, et j’ai pas que ça à faire.
PINOCCHIO : O ma bonne fée, donnez-moi vite ce verre ! Dépêchez-vous ! Je ne veux pas mourir ! Je veux pas mourir ! (il prend le verre et le vide d’un trait.)
CROQUEMORT : Si je comprends bien, on m’a dérangé pour rien ?
FÉE BLEUE : Tu peux t’en aller. Je te paierai pour le dérangement.
CROQUEMORT : (à la fée) C’est comme vous voudrez, mais si vous voulez mon avis, vous devriez pas vous laisser entourlouper par ce bout de bois.
FÉE BLEUE : Eh bien, on ne te le demande pas, ton avis. Allez, va-t-en.
CROQUEMORT : (il part en grommelant) C’est à chaque fois pareil. Ils disent qu’ils veulent mourir, et quand je débarque, ils se dégonflent. Tous les mêmes...
FÉE BLEUE : Alors, est-ce que mon médicament t’a guéri ?
PINOCCHIO : Mieux que guéri ! Il m’a ressuscité !
FÉE BLEUE : Tu vois, ce n’était pas la peine de te faire tellement prier. Bien. Maintenant raconte-moi comment tu es tombé entre les mains des assassins.
PINOCCHIO : (se lançant sans reprendre son souffle dans un récit interminable) C’est que Mangefeu m’avait donné cinq pièces d’or en me disant « tiens, porte-les à ton papa » alors moi en rentrant à la maison j’ai rencontré le Chat et le Renard deux braves types alors ils m’ont dit « tu veux changer ces cinq pièces en deux mille pièces ? » alors j’ai dit « oui » alors ils m’ont dit « viens avec nous et nous te conduirons au Champ des Miracles » alors on y est allés mais sur le chemin on s’est arrêté à l’auberge de l’Ecrevisse Rouge alors je m’y suis endormi et quand je me suis réveillé ils étaient plus là alors je me suis mis à marcher dans la nuit alors il y a deux assassins dans des sacs à charbon qui me sont tombés dessus alors ils ont voulu prendre mes pièces mais je les avais cachées dans ma bouche alors je me suis enfui alors ils se sont mis à me courir après et ils m’ont rattrapés et ils m’ont pendu à un arbre en me disant « demain on reviendra, toi tu seras mort, ta bouche sera ouverte et nous t’enlèverons les pièces d’or que tu as cachées sous ta langue » !
FÉE BLEUE : Et maintenant, où as-tu mis ces pièces ?
PINOCCHIO : Je les ai perdues. (Son nez s’allonge.)
FÉE BLEUE : Et où les as-tu perdues ?
PINOCCHIO : Dans la forêt. (Son nez s’allonge encore.)
FÉE BLEUE : Alors on va les chercher, et on les retrouvera.
PINOCCHIO : Non ! Maintenant que j’y pense, je ne les ai pas perdues. Je les ai avalées en buvant le médicament ! (Son nez s’allonge encore.)
FÉE BLEUE : Et tu crois que moi, je vais avaler tes mensonges ?
PINOCCHIO : Comment savez-vous que j’ai dit un mensonge ?
FÉE BLEUE : Les mensonges sont de deux espèces, Pinocchio : ceux qui ont les jambes courtes et ceux qui ont le nez long. Le tien est de ceux qui ont le nez long.
PINOCCHIO : Oui, oui, j’ai menti ! Pardon, ma bonne fée, je recommencerai plus ! Pardon ! Me laissez pas dans cet état !
FÉE BLEUE : Quel état ? Tu es très mignon, comme ça. Il te va très bien, ce long nez.
PINOCCHIO : Non, non, je vous en supplie ! Me laissez pas avec ce nez ! Déjà qu’on se moque de moi parce que je suis tout en bois et que je suis une pauvre marionnette ! Vous pouvez pas me laisser avec ce nez-là, vous pouvez pas...
FÉE BLEUE : Tais-toi ! Quel boucan ! Tu me casses les oreilles ! C’est bon, je te remets ton nez d’origine. (Elle s’exécute.)
PINOCCHIO : Que vous êtes bonne, ma chère Fée ! Et comme je vous aime !


Et voilà ! C’en est fini pour ce deuxième numéro de notre « gazette Pinocchio » !

Nous vous retrouvons le mois prochain avec de nouveaux personnages, l’explication de certaines techniques de construction de marionnettes, et nos réponses à des questions que nous avons déjà reçues après le premier numéro et à toutes celles que vous vous souhaiterez nous poser d’ici-là.


« À bientôt !... »


« ... ddéébbuutt jjuuiinn ! »

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